Tout est dans le titre. Lorsque l'on veut se lancer dans un projet avec une classe, il faut se demander "pourquoi ?" Quel sera mon objectif ?

Des projets j'en réalise tous les ans quelque soit le niveau de la classe, même si cela fait maintenant 10 ans que j'enseigne dans une classe de CM1.

Le projet qui est toujours présent tous les ans est celui de la correspondance scolaire.  J'ai toujours échangé avec des collègues du CP au CM2.

Pour moi, la correspondance scolaire est un projet fédérateur qui permet à nos élèves de s'investir dans les apprentissages sans qu'ils en aient conscience.

Il permet aussi de récupérer des élèves qui sont dans l'évitement de l'exercice scolaire. Ils sont dans la résistance par leur passivité, leur rejet inconscient de l'école.

Lorsque je commence ce projet, les élèves ont souvent tendance à me poser cette question : Est-ce que l'orthographe est notée ? C'est dire le poids qui se pose sur leurs fragiles épaules.

Ma réponse est systématiquement "non". Dans leur regard apparait une étincelle, une barrière tombe, la pression se relâche.

Pour les personnes ayant peur de se lancer dans ce genre de projet, je vais vous raconter ce qui se passe cette année pour deux élèves.

J'ai trouvé par les réseaux sociaux une demande de correspondance d'une collègue enseignant au Maroc. J'ai répondu rapidement à ma collègue que j'étais d'accord pour ce projet. Nous avons convenu ensemble que je commencerai la correspondance.

J'ai présenté le projet aux élèves de la classe. Ils ont été enthousiates. Je leur ai précisé que nous nous enverrions des courriers papiers.

Nous avons travaillé ensemble sur le format de la lettre et ses éléments conceptuels. Et oui, nous ne pouvons pas travailler sans avoir de bases. C'est à dire partir des connaissances des élèves pour arriver à un apprentissage, en l'occurence l'écriture de la lettre.

Une fois cette étape passée, les élèves ont pris leur cahier de projet. La consigne était qu'ils devaient écrire une lettre à leurs correspondants en se présentant. 

Pour certains élèves écrire est un exercice très facile, c'est naturel pour eux. Pour d'autres, les difficultés peuvent être différentes : laisser une tracer sur une feuille, se raconter, écrire en faisant des "fautes", écrire de manière lisible. 

Pour ces élèves, il faut mettre en place un climat de confiance dans la classe. Il faut rassurer ces élèves en leur apportant toutes les aides possibles. 

Un de mes élèves cette année a eu besoin de passer par la dictée à l'adulte. Il avait beaucoup d'idées mais était incapable de les écrire sur une feuille. Au fur et à mesure, il arrive à écrire de plus en plus sans passer par la dictée à l'adulte. Quelque fois, il commence à écrire et puis il me demande si je peux terminer pour lui. Quand il se lance dans cet exercice, il est très concentré, attentif et silencieux. Il est actif, il participe à ses apprentissages. C'est un exercice qui lui demande peu de temps. Il y tient et il est très souvent le premier à me tendre sa feuille avec la lettre copiée et décorée pour son correspondant. 

Je participe à un autre projet " cartes postales". Et bien, lorsque nous recevons une carte postale, il me demande s'il peut écrire une carte réponse. C'est souvent le même rituel que nous avons mis en place, je m'assois à côté de lui, nous discutons sur son texte. Il écrit, je prends le relai ou pas, tout dépend des jours. Il choisit la carte postale, son plus joli stylo. Puis il copie son texte de sa plus belle écriture. Il est très fier de lui et moi aussi. Car c'est un enfant qui écrit peu dans le cadre de la classe.

Pourquoi je raconte cet épisode ? Pour vous donner un exemple de ce qui est possible d'obtenir de nos élèves. Il ne faut jamais baisser les bras. Il suffit d'une étincelle pour que la magie s'opère. La pédagogie de projet redonne leur place à ces élèves qui sont dans l'évitement. Certes cela ne fonctionne pas tous les jours. Mais ce qui est important c'est le moment de bascule où un élève revient vers les apprentissages et nous montre ses réelles capacités. 

Un autre élève qui lui rencontre de réelles difficultés à écrire de manière lisible s'est aussi bien intégré à ce projet de correspondance. La première lettre c'est moi qui est écrit tous les mots qu'il m'a dictés. Ces idées étaient très claires, les constructions de ses phrases aussi. Mais il était incapable d'écrire pour être lu par son correspondant. Il a accepté que je lui serve de "secrétaire". Pour la dernière lettre, c'est lui qui a tout écrit. Le texte est court mais il est lisible. Ce n'est pas une écriture d'un élève de CM1 mais mon objectif n'est pas celui là. Mon objectif principal est qu'il participe à un projet de classe. Puis qu'il arrive à écrire sans mon aide. La prochaine étape sera qu'il choissise un support qui lui permet d'avoir une écriture plus lisible et moins énorme. La taille de la lettre m'importe peu.

Avec ces deux exemples, je souhaite vous "montrer" qu'avec la pédagogie de projet, les objectifs sont différents. Le mien, c'est que ces élèves reviennent vers l'école avec le sourire, que leurs difficultés ne les empêchent pas de faire partie de la vie de la classe. Ils "font " tous la même chose en même temps. Je dois attendre qu'ils aient tous terminé d'écrire leur lettre pour l'envoyer. Cette responsabilité leur montre vraiment pour moi, ce sentiment d'appartenance au groupe classe. 

De plus, il n'y a pas de remarques sur leur production d'écrit. Je ne note pas officiellement l'orthographe lexicale ou grammaticale. Je corrige pour eux les erreurs. 

Ce qui est important pour moi, c'est qu'ils entrent dans le projet.

Si vous souhaitez plus d'informations sur le projet correspondance, je vous invite à aller sur le site de l'ICEM, Freinet a été l'un des premiers à mettre en avant les bienfaits de la correspondance scolaire.

https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-correspondance-scolaire

PS/ je ne sais pas si je serai lue mais en tous les cas, j'ai pris plaisir à écrire comme mes  élèves lorsqu'ils écrivent leurs lettres ou participent à un projet.